L'an prochain à Jérusalem
Chapitre 1 : « L'an prochain à Jérusalem »
4262 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 02/07/2025 13:40
« L’an prochain à Jérusalem »(1)
« Les démons ont trois caractères en commun avec les anges et trois avec les hommes. Comme les anges, ils ont des ailes, ils volent d’une extrémité du monde à l’autre et ils connaissent l’avenir. Comme l’homme, ils s’alimentent, se reproduisent et meurent. »
Talmud de Babylonie, Khgîgah, 16a
Par un beau jour de mai 2010, dans les hauteurs inaccessibles du Ciel,
Aziraphale, livre sous la main, traversa la porte du bureau de l’Archange des armées célestes, convoqué par celui-ci, tout en écoutant distraitement le doux son des harpes et des gousli auto-joueuses(2). Un chant mélodieux des Serviteurs du Très-Haut résonnait légèrement de partout ne cessant de clamer dans la langue la plus divine au monde « Dieu trois fois Saint, Tu étais, Tu es et Tu seras, pour des siècles des siècles, Amen ». Aziraphale était perdu dans ses pensées de sa dernière lecture d’un vieux grimoire alchimique. L’Ange au visage ovale et enfantin, aux traits délicats et encore plus plaisants lorsqu’il souriait, appréciait surtout l’air climatisé de l’endroit, ni trop chaud, ni trop froid ; tout le contraire de la Terre ou de sa boutique.
— Aziraphale, gardien de la Porte orientale de l’Éden, tonna Michael, large sourire sur les lèvres, déposant son épée dorée qui dormait dans son fourreau à ses pieds, ainsi que sa balance d’or à la pointe émaillée et son miroir, sur la table en or.
Il fit quelques pas rapides vers l’interpellé, faisant agiter sa dalmatique vermillon et son himation aussi immaculé que la neige. Il ajusta le loros sur sa poitrine d’une main experte, paré des pierres précieuses qui scintillèrent d’un éclat particulier(3).
— Je t’envoie en mission d’observation !
Sursautant, le serviteur de Dieu ajusta son nœud papillon beige. Dans ses yeux bleus se lisait l’étonnement.
— Quelle est cette mission ? Que dois-je observer ?
« Je préférerais rester entre les antiquités si chères à mon cœur dans ma boutique, consultant pour la énième fois l’Évangile apocryphe de Philippe, pensa, songeur, l’Ange bibliophile. Bien que je le connaisse par cœur depuis des millénaires ! »
— Tu vas parcourir la Terre et observer les hommes, consigner leurs actions et aider ceux dans le besoin. Mais surtout, particulièrement, assiste Aiden Clancy, qui vit aux États-Unis, dans la petite ville de Grandview. Ton secours sera inestimable dans la prochaine lutte contre le Mal. Soutiens les Lumineux, ces enfants du Paradis qui sont envoyés sur Terre comme nos Forces Spéciales ! Au besoin, demande l’aide des Observateurs, nos éclaireurs aguerris et nos fidèles qui témoigneront des actions humaines lors du Jour du Jugement Dernier, en nous fournissant des précieuses informations(4) ! Nos ennemis veulent provoquer la chute de Mélinda ! Ils l'encerclent, dépêche-toi de porter secours à son fils et aux Lumineux ! Ensemble, vous combattrez efficacement notre ennemi qui s’intéresse un peu trop à la mère, pourtant si pure !
Le grand être surnaturel et immortel vêtu d’une ample robe blanche ornée d’or dans le style de l’aristocratie du XVe siècle, s’inclina respectueusement devant son supérieur et sortit.
— Un petit échauffement pour les troupes subalternes avant l’Apocalypse, murmura Michael, s'asseyant sur son fauteuil garni d’un coussin de duvet et recouvert de cuir blanc, petit sourire aux lèvres. Pourquoi pas, puisque ce n’est pas prévu pour demain, mais dans une quinzaine ou vingtaine d’années ! Ce qui n’est rien au regard de l’éternité ! Dieu, Le Saint, béni soit-Il, n’est-Il pas le Miséricordieux en vain ?
Aziraphale prit son envol, agitant gracieusement ses ailes d’une blancheur immaculée, semblables à celles d’un cygne. Il changea de vêtement pour les plus appropriés à l'occasion de sa venue sur Terre. Sa robe devint un complet beige clair classique avec une chemise bleue rehaussant à merveille sa stature et ses yeux. Il arriva en un clin d'œil dans le parc de Grandview.
Au même moment, à l’opposé du Ciel, en Enfer, six mille kilomètres sous la Terre,
La musique métal psychédélique jouait en boucle dans les vestibules préalables à la descente aux neuf cercles. Crowley emprunta la porte en fer de gauche. En frappant à la porte de son supérieur, il retira ses lunettes de soleil, révélant son regard ophidien jaune qui s’adaptait rapidement aux ténèbres ambiantes qui régnaient au sous-sol où la seule lumière provenait des flammes incandescentes et rougeâtres. Les murs en ébène du bureau de Belzébuth étaient sertis de rubis et d’agates et d'améthystes noirs pour souligner l’importance du personnage. Ces pierres renvoyaient le reflet de la flamme d’une lampe à huile dans le style victorien.
— Le petit serpent, l’apprenti tentateur, mon cher Crowley, commença le démon en agitant sa langue bifide et en pointant sa patte griffue sur lui. Il battait des cils comme il agitait ses ailes ténébreuses lorsqu’il était nerveux.
Crowley prit conscience qu’une douce mélodie accompagnée d’un chant dans une langue morte résonnait subtilement entre les quatre murs du bureau. Son supérieur hiérarchique passa sa main dans sa chevelure lustrée qui dissimulait ses cornes, le fixant avec insistance, puis frappa vigoureusement du poing sur la table.
— J’aurai une petite mission pour toi !
— À vos ordres, mon général ! Mais pourrai-je au moins savoir sa nature ?
Le démon subalterne cligna des yeux, dévoré par la curiosité.
— Rends-toi aux États-Unis d’Amérique dans une petite ville nommée Grandview ! Là-bas, il y a un combat intéressant de nos Forces contre ceux du Bien qui se prépare dans les noirceurs de la nuit ! Veille à ce que nous gagnions la bataille. Soutiens nos petits pions, nos petits soldats, les Ombres(5) ! Avoir Mélinda Gordon dans notre camp serait très avantageux ! Aucun être humain n’est sans faiblesse, alors dirige cette petite Légion vers la victoire ! Si tu réussis, tu auras alors le droit à une promotion ! Si tu échoues, tu auras alors le droit à une punition exemplaire au dernier cercle de l’Enfer !
Crowley, yeux dilatés de convoitise et de frayeur, s’inclina servilement jusqu’au sol, se métamorphosant en un serpent de taille modeste aux écailles noir charbon et au ventre rouge feu pour mieux ramper aux pieds de son supérieur, sans lui lécher son sabot.
— Allez, petit serpent, file avant que je te fasse accélérer ta venue à la surface de la Terre en quelques secondes par un coup bien appliqué du sabot aux fesses, hurla son chef, moue de dégoût sur son visage, yeux étincelants de fureur.
Le démon se releva, reprenant sa forme humaine, ajustant ses cheveux roux en une queue-de-cheval et s’envola vers sa destination.
— Un petit exercice de feu pour cet imbécile avant l’ultime combat qui est pour bientôt, se réjouissait Belzébuth en se frottant les mains d’anticipation, s’installant encore plus confortablement sur son trône noir et rouge de style gothique.
— Ah oui ! continua-t-il. Je dois veiller à alimenter la guerre au Moyen-Orient, entre autres, si je ne veux pas que le Big Boss s’en prenne à moi et me grille dans sa fournaise ! La colère, la peur et le sang, quelle montée d’adrénaline dans mes veines !
Jetant un rapide coup d'œil sur les montagnes de formulaires administratifs, il remarqua une feuille de papier déchirée dans le lot. Souriant, il murmura rêveur :
— Je ne devrais pas oublier mon rendez-vous avec mon amour ce soir ! Au Diable la bureaucratie ! Ça peut attendre ! De même que les contacts avec Aza, Azael, Harut et Marut(6), les spécialistes du Moyen et du Proche Orient !
*****
Se posant dans le parc de Grandview face au monument commémoratif aux défunts de la dernière guerre, Crowley réajusta ses lunettes de soleil qu’il portait en dépit de l’heure avancée, tout en rétractant ses ailes. Il enleva la poussière imaginaire de son complet noir pour se donner bonne contenance et analysa son entourage, manifestement déconcerté par la nature de sa mission.
Au même moment, à Grandview, aux États-Unis.
Mélinda, très irritée contre elle-même de ne plus savoir faire la distinction entre les esprits errants et les vivants, décida de s’enfermer dans sa boutique, malgré l’heure tardive, pour faire l’inventaire. Des Ombres la suivaient et influençaient son humeur, la laissant de mauvaise humeur, tout en lui instillant une sensation de froid dans les os.
Devant sa boutique, Carl l’Observateur, depuis le seuil, l’interpella d’un ton sévère :
— Mélinda Gordon, faites attention ! N’écoutez pas les Ombres ! J’interviens bien que ceci ne fasse pas partie de mon travail !
Mélinda darda sur lui un regard enflammé, serra les poings à en faire blanchir les jointures des doigts et hurla :
— Carl, veux-tu me laisser seule ! J’ai au moins un inventaire à faire ! Et n’as-tu pas ta mission à remplir, au lieu de parler ?
— À 21 h 00, un inventaire ? s’exclama son interlocuteur, sourcils levés.
Le grand et élégant Observateur ajusta son veston beige, lueur d’angoisse dans le regard, en plissant son front. Geste qui lui ajouta quelques rides supplémentaires.
— En quoi ça te regarde ? s’emporta-t-elle. Laisse-moi passer !
— Vous avez manifestement oublié que je ne suis pas vivant au sens littéral du terme, mais bon ! Au revoir !
Et l’Observateur se déplaça jusqu’au salon où se trouvait Aiden.
Mélinda, à bout de nerfs, entra dans sa boutique, le bas de sa robe noire ondulant au moindre pas autour de ses jambes, et grommela contre la porte et le destin.
— Pourquoi dois-je avoir l’air si stupide en ne distinguant plus ce qui était une évidence ? L’énergie des vivants ne ressemble pas à celle des défunts ! Comment ai-je pu me tromper à l'hôpital où Jim travaille lorsque Pete Murphy, esprit errant d’un garçon de treize ans, m’a joué un tour en me demandant de lui acheter une canette ? Et moi, je le prenais pour un vivant ! Arh ! Arrrghhh !
Elle soupira, regard dans le vague.
— Mélinda, lui susurrèrent les Ombres à son oreille gauche, d’une voix suave et envoûtante, viens ! Viens dans la ville souterraine ! Ne songes-tu pas qu’Aiden devrait être un enfant comme les autres, ne plus voir ni les esprits, ni nous, ni les Lumineux ? Aiden, ton fils bien-aimé, est en danger s’il persiste à vouloir être extraordinaire ! Ne nous crois-tu pas ? C’est un avertissement que nous t’avons envoyé quelques jours plus tôt(7) ! Si tu ne veux pas qu'il meurt sous tes yeux, viens !
Ces idées pernicieuses touchèrent une corde sensible dans l’âme de la médium qui froissa nerveusement le bord de son vêtement. Elle se souciait énormément de son fils et de son bien-être. Elle fronça des sourcils, hésitant à écouter les suggestions.
À la maison de Jim et Mélinda, en soirée.
Aiden mettait en rang ses petits soldats le commandant en tête sous le regard bienveillant, mais quelque peu inquiet de son père, Jim, lorsque Carl apparut devant lui. Il s’assit sur le fauteuil près de la table basse en chêne où trônait un jeu d’échecs. L’Observateur fit déplacer les pions blancs pour mettre en échec et mat l’équipe adverse, sous le regard éberlué du grand et gracieux homme en chemise bleue qui cessa de ruminer inlassablement les mêmes idées sur son épouse et leur fils.
— Aiden, est-ce que c’est l’un de tes amis qui joue ? l’interrogea-t-il d’un ton grave.
— Oui, c’est Carl ! s’exclama le garçon de cinq ans en s’approchant de l’Observateur.
Celui-ci sourit tristement au gamin et lui dit d’un ton préoccupé, levant sa main droite au plafond :
— Les Ombres prennent de plus en plus le contrôle sur ta maman, je crains pour sa sécurité ! Tu es le seul qui peut la délivrer du Mal en s’alliant avec les Lumineux. Que le Seigneur soit avec toi ! Que Mélinda Gordon soit délivrée du Mal et de la tentation, Amen !
L’Observateur se signa et fixa l’enfant en lui ordonnant :
— Va sauver ta mère ! C’est maintenant que le Bien, les Lumineux et toi devez combattre le Mal ! Va, cours ! Soit comme ce commandant envers les Lumineux !
Le garçon hocha sa petite tête brune en signe de compréhension et cessa son jeu pour supplier son père :
— Papa, papa ! Il faut aider maman ! Elle est en danger, Carl me l’a dit !
— Celui qui jouait aux échecs ?
Aiden approuva d’un geste de la tête. Jim soupira, passa sa main ornée d’une alliance en or dans les cheveux de son fils en un geste protecteur avant de lui avouer :
— Aiden, je suis aussi inquiet que toi des changements de comportements de ta mère ces derniers temps…
Une lueur de détermination traversa les yeux clairs de son père, avant d’enchaîner sur une note plus encourageante :
— … Alors on y va ! Je ne veux pas la perdre ! Et je te fais confiance, tout comme je crois en ta mère et en ses capacités depuis nos nombreuses années de mariage ! Courons jusqu’à la boutique et je vais te soutenir moralement, à défaut de pouvoir agir ! En espérant que je n’aurais pas besoin d’intervenir en tant que médecin !
Les deux arrivèrent devant la boutique d’antiquités en quelques minutes. Jim était un peu en retrait pour mieux observer ou apporter les premiers soins si nécessaire, ce qu’il ne souhaitait nullement.
Le gamin s’approcha de la boutique et frappa à la porte. Mélinda qui avait tiré les volets, les releva et lança un regard haineux à son fils.
— Maman ! Pourquoi tu ne viens pas ? gesticula l’enfant.
— Je ne suis pas ta mère, affirma-t-elle froidement, sous l’influence des Ombres qui contribuèrent à rajouter des ténèbres infernales de la nuit dans la pièce.
La médium baissa à nouveau les volets d’un geste sec. En percevant la présence sinistre des sombres entités, lueur d’angoisse dans le regard, Aiden fut agité par des tremblements. Mais fermement déterminé d’aider sa mère, il revint sur ses pas et appela d’une voix puissante pour son jeune âge :
— Cassidy, Cassidy, es-tu là ?
Il tourna sa tête à droite pour constater que son amie, une fillette aux cheveux châtain et aux grands yeux bruns qui avait accédé à l’état d’un Lumineux se tenait à ses côtés :
— Appelle les autres amis à unir nos forces ! Je ne veux pas que maman soit perdue !
Elle se renfrogna, faisant bouger sa robe blanche.
— Mais comment ? lui chuchota-t-elle. Tu le sais que j’ai peur d’eux.
— Avec beaucoup d'amis, on est plus fort !
Soudain, apparut devant le garçon et visible à lui seul Aziraphale. Il ouvrit son livre et s’exclama :
— Petite, n’oublie pas que la vérité sort de la bouche des enfants ! Je vous l’ordonne, unissez-vous ! Vous, les Lumineux, sachez que les armées célestes ne sont jamais bien loin. Nous veillons sur vous, enfants purs et innocents ! Vos voix comptent pour beaucoup auprès de Notre Seigneur.
L’Ange, levant son index droit aux cieux, fit apparaître sur son complet beige des insignes et décorations militaires, et, par-dessus son auréole, se posa un casque vert olive avec pour signe distinctif en son centre une étoile verte.
— Obéissez à ce que votre petit commandant Aiden vous dit. Et vous, Pete Murphy et les enfants de l'hôpital, venez renforcer nos rangs ! Vos rondes(8) ont un sens, mais il vous manquait un chef puissant !
Il fit un signe de bénédiction, puis pria :
— Que Dieu Sabaoth vous assiste, ne doutez jamais de votre foi ! Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, Amen.
Confiante, Cassidy prit la main du fils de Jim et Mélinda. Encore plus brillante qu’auparavant, elle cria, pétillante de joie :
— Je me sens plus forte maintenant ! Camarades… !
Elle tourna le regard vers le firmament où les nuages sombres s’accumulaient.
— Venez, venez ! Combattons le Mal sous la protection de Dieu !
Et d’autres Lumineux se joignirent à cette clameur, transformant l’entourage de la boutique en pure lumière, comme si le soleil de midi éclairait l’endroit. Pete Murphy et les enfants s’associèrent immédiatement aux paroles de l’entité éthérée, ajoutant leurs lumières à celles déjà présentes, lui donnant un éclat encore plus puissant. L’Ange qui s'était déplacé pour se tenir aux côtés de Jim lui adressa un sourire et esquissa un geste de bénédiction de sa main droite avant de suivre les Lumineux.
Au même moment, dans la boutique.
Mélinda, emplie de doute, de peur, d’angoisse et d’inquiétude, ne cessait de tourner en rond dans la boutique. Les Ombres n’arrêtaient pas de lui suggérer des scénarios terribles à propos de son fils, en l’effrayant davantage, elle qui ne parvenait même pas à les discerner.
Soudain, Crowley apparut dans la boutique, sous sa forme reptilienne. Puis il reprit apparence humaine avant que la jeune mère ne le remarquât, se gaussant de la stupidité des Ombres. Son supérieur avait parfaitement raison, ils étaient méchants, mais guère intelligents. Il se racla la gorge et affirma d’une voix encore plus profonde que d’habitude :
— Eh, vous !
Les Ombres tournèrent leurs têtes vers le démon qui cachait toujours ses yeux.
— Au lieu de rester immobiles, avez-vous songé qu’il y a un passage intéressant par là-bas !
Il pointa de son index de la main gauche le passage barricadé qui menait vers la ville souterraine(9).
— Ainsi, continua-t-il d’un ton sérieux, Mélinda sera, après plusieurs kilomètres de marche chez nous, en Enfer ! La nouvelle Perséphone ! On va fêter ça !
— Ah ! s’exclamèrent les entités qui le regardaient, éberluées.
Le démon claqua des doigts, détruisant les morceaux de bois qui fermaient le passage.
— Allons-y ! C’est maintenant !
Lorsque Crowley aperçut les Lumineux qui prirent d’assaut la boutique, s’infiltrant en tous lieux, intimidant les Ombres qui se réfugièrent dans les profondeurs de la gueule infernale béante, il emboîta le pas à ses subalternes.
Aziraphale fit son apparition dans le magasin, bénissant les Lumineux et frappant des Ombres de son livre. Les yeux infernaux rencontrèrent le regard angélique. Le démon bredouilla, les pupilles dilatées de frayeur :
— En… Encore… toi !
Affichant son sourire le plus affable, l’Ange répondit :
— Eh oui, mon cher, comme toujours ! Vous n’apprenez jamais la leçon, vous, les démons !
Il brandit son épée de feu, sortie de son manuscrit, devant son adversaire. Le subalterne de Belzébuth siffla et s’enfuit dans les noirceurs de la ville souterraine. Secouant sa blonde tête en signe d’exaspération, le serviteur de Dieu, d’un claquement de doigts, referma le passage par un mur en brique et rangea son arme.
Il psalmodia :
— Que ce passage maudit ne puisse jamais être à nouveau ouvert ! Amen.
Il se tourna vers les Lumineux.
— Eh, Les gars, vous avez fait un travail formidable ! Vous avez maintenant tout le loisir pour pouvoir vous reposer au Paradis !
Aziraphale sortit de la salle illuminée et sourit en voyant Mélinda, allongée sur le sol, épuisée, mais libérée des Ombres. Elle se redressa avec un large sourire et enlaça avec la tendresse maternelle son fils qui s’avança vers elle.
Elle pleura de joie en répétant :
— Tu es mon héros ! Aiden, tu m’as sauvé du Mal ! Mon ange gardien !
Jim entra dans la boutique et étreignit son épouse, bien heureux de la savoir saine et sauve. Dans son regard, une lueur de soulagement et de joie se reflétait.
La petite famille revint à leur maison, Pete Murphy et les enfants attendaient au salon. Mélinda sourit au groupe d’esprits errants et leur demanda dans un souffle, avec les larmes aux yeux :
— Prêts à partir dans la Lumière ?
Soudain Cassidy et des Lumineux arrivèrent. Aiden les salua respectueusement.
Tous approuvèrent d’un signe de tête, leurs visages étaient illuminés d’une aura blanche, divine et pure.
— Oui, approuva Pete.
Son visage brilla d’une sérénité jamais ressentie auparavant. Ses yeux scintillèrent de larmes de joie.
— Cette Lumière est oh combien belle et divine !
Se tournant vers les autres esprits errants, il leur ordonna.
— On y va, mes amis ! Enfin !
Et chacun d’eux, prenant la main d’un Lumineux, disparaissait progressivement de la vue de la mère et du fils.
Après que Jim et Mélinda eurent couché leur fils, l’Ange apparut devant Aiden. Il lui prodigua ce conseil :
— Petit, veux-tu dire à ta mère de ne plus jamais porter de vêtement noir, ceci attire les démons et les Ombres sur elle ! Je ne veux pas qu’il lui arrive malheur à cause de son ignorance ! Tu n'oublieras pas, n’est pas ? Tu le lui diras ?
L’interpellé opina du chef.
— Que Dieu te bénisse !
Il fit un geste de bénédiction et quitta la chambre.
S’arrêtant devant la maison de Jim et Mélinda, Aziraphale conclut :
— L’an prochain à Jérusalem !
Et il regagna les hauteurs éthérées.
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(1) Phrase rituelle lors de la Pâques juive, Pessa’h, tout particulièrement lors du Séder de Pessa’h.
(2) Les gousli sont des instruments à cordes des Slaves similaires à la lyre ou à la cithare. Dans les contes, il existe des gousli qui se jouent d'elles-mêmes, obéissant à la parole de son propriétaire.
(3) La description de l’Archange Michael correspond à celle des icônes orthodoxes. Ses attributs sont, selon la liturgie orthodoxe slave, russe plus précisément, le mêrilo d’or à la pointe émaillée, ou balance du Jugement, et le zertsalo, ou miroir. Avec le mêrilo, la fonction de l’Archange psychostase est mise en valeur. Avec le zertsalo, sa prévoyance est mise en valeur.
(4) Dans la série, les Lumineux, ou les Rayonnants, Shinies en anglais, sont les esprits des enfants qui sont passés dans la Lumière et qui reviennent. Ils sont puissants et forts, pure lumière à forme humaine. Les Observateurs, aussi appelés les Veilleurs, Watchers en anglais, eux, sont un groupe d’esprits qui demeurent errants pour observer les vivants, n’interagissent que fort peu avec les hommes, sauf avec certains pour les avertir de certains dangers éminents qui arrivent. Carl l’Observateur, ou Carl Sessick, est un Observateur familier à Mélinda et à Aiden.
(5) Dans la série, les Ombres, Shadows en anglais, sont des formes sombres aucunement humaines, pure noirceur informe, fantomatique. Ils sont des fragments, des parties sombres et mauvaises de l’esprit qui est parti dans la Lumière. Ces sombres entités n’existent que pour le Mal, pour générer des émotions négatives, entre autres la culpabilité. Des vivants peuvent travailler pour eux.
(6) Les Anges rebelles du Judaïsme sont Aza et Azael qui accueillent des sorciers aux montagnes de ténèbres. Alors que les Anges déchus de l’Islam sont Harut et Marut.
(7) Allusion au vingt-et-unième épisode de la cinquième saison, intitulé « Dead Ringer » / « Double Jeu », lorsque Mélinda confondant réalité et vision, voit son fils sur le toit qui tombe, l’effrayant. Dans ce chapitre, nous attribuons explicitement cette confusion à l’activité des Ombres.
(8) Dans la série, Pete et plusieurs autres enfants, morts d’une maladie infantile, hantent l'hôpital Mercy où travaille Jim faisant des tournées pour chasser les Ombres.
(9) Le passage qui mène vers la ville souterraine existe bel et bien dans la série. Il se trouve dans l’arrière-boutique de Mélinda. Passage ouvert par son mari pour pouvoir la délivrer lorsqu’elle était prisonnière au cinquième épisode de la troisième saison, « Weight Of What Was » / « Maladie au sous-sol », qu’il referma avec des planches en bois. Par contre, ce passage souterrain n’a aucun rôle pour le dernier épisode.